Ecrire et remercier
Merci aux petites maisons d'édition
Qui ont donné vie aux personnages de papier de mes romans. Merci à leur comité de lecture d'avoir apprécié mon texte au point de le choisir parmi plusieurs centaines d'autres. Merci de ne pas m'en vouloir d'avoir été aussi heureux que frustré en recevant leur réponse positive. Ce oui d'une petite maison, arrivé à chaque roman, en fin de course d'une longue série de refus pénibles pour l'égo en mal de reconnaissance, n'a jamais mené bien loin. Malgré leur bonne volonté et leur passion, les moyens de ces maisons ne permettaient aucune promotion, ni attaché de presse, ni communiqué, ni sponsoring post sur les réseaux sociaux. Mes éditeurs ont fait imprimer, ont ajouté le nouveau-né à leur catalogue et à leur site web et ont organisé une présence sur l'un ou l'autre salon régional en attendant que l'auteur s'active.
Merci à mes lectrices et lecteurs
Avec leur appui et mon énergie, chacun de mes romans a pu être lu par quelques centaines voire au grand maximum mille personnes. Ce qui me réjouissait, me dépite régulièrement. J'en voulais des lecteurs et j'en veux toujours plus. Pourquoi ne pas me contenter de leurs témoignages qui me remerciaient, me congratulaient et s'enthousiasmaient tout en réclamant le suivant et les remercier à mon tour ? Parce que l'envie d'être lu encore et encore, de partager sans fin l'histoire, a toujours été plus forte que tout raisonnement sensé.
Merci aux libraires
A peine arrivé en librairie, quand le libraire a eu l'audace de prendre mon roman en dépôt, le livre d'auteur ou non supporté par une grande maison est déjà supplanté par le suivant qui se presse au portillon. Des dizaines de milliers de nouveaux romans sont édités chaque année rien qu'en France, parmi eux des milliers d'incontournables sont écrits par des écrivains renommés, par des célébrités ou par leur écrivain fantôme. C'est vous dire combien, au vu du nombre de places restant éligibles, la chance d'être reconnu et choisi par une grande maison, quand on ne fait pas partie des grands génies de la plume, est infime.
Merci à mes personnages
J'écris parce que cela me démange et cela me plaît de raconter des histoires, créer des personnages et les affubler d'une personnalité de préférence ambigüe. J'adore imaginer l'endroit où ils vivent, provoquer leurs conflits, faire naître leurs amours et les mettre en action. Ils me ressemblent sans doute tous un peu puisqu'ils sont issus de mon imaginaire, lui-même nourri de mon inconscient. Mais ils jouissent de leur libre arbitre et peuvent choisir de vivre leur liberté de façon aussi aléatoire que nous. Ecrire me fait grandir quand mes personnages me mettent au défi de résoudre les leurs. Ecrire me rend plus fort quand ils meurent en provoquant mon immortalité. Ecrire me transcende, quand à la relecture des pages retenues, je trouve crédible tous les ingrédients qui font progresser le récit. Car j'ai appris à rejeter les phrases qui ne font que parader pour satisfaire mon égo. Chaque nouveau roman m'apprend à mieux soustraire l'inutile, l'imprécision et l'insignifiant. J'écris comme la bergère de la chanson qui allait au marché, trois pages en avant, deux pages en arrière. Je vis, respire et souffre avec mes héros qui n'en sont pas. Ma souffrance s'amplifie, quand affaibli, incompétent ou décalé, l'un d'eux, englué aux limites de son intelligence, n'arrive plus à se dépétrer du piège que la vie lui a tendu. J'écris en me donnant le droit de me surprendre. La trame de mes romans n'est pas figée, elle évolue en parallèle de la progression du récit. Un incident, une surprise ou des circonstances particulières peuvent influencer l'évolution de l'histoire. Savoir que mes personnages reprennent vie à chaque nouveau lecteur et imaginer que ce dernier complètera leur univers à sa façon, m'enchantent. En ce sens, je leur donne une immortalité potentielle dont ils ignorent tout heureusement. Qui pourrait assumer une immortalité ?
